De la Stratégie

Alexandre Serain Shvaloff



De la Stratégie-VII Culture-III


VII.1. Rôle de la Culture dans les Affaires Internationales

Nous continuons donner des exemples sur le rôle de la culture dans les affaires internationales. Depuis quelques décennies, les rapprochements internationaux se multiplient dans une globalisation où les Etats se voient acheter leurs entreprises bijoux par les entreprises installées et enregistrées dans d'autres pays dont les législations relatives au travail et à la taxation sont souvent différentes. La vitesse de propagation de ces achats-fusions dépasse la capacité d'adaptation des populations. Ce décalage crée et renforce le sentiment d'insécurité, d'incertitude et de la peur d'avenir. La stratégie centrale qui conduit autant de sollicitations amicales ou de force, ne prenant en compte que de la rentabilité et de la richesse créée dans une logique purement comptable, devient la source de sentiments hostile des populations envers des acquisitions-fusions des entreprises. (1) L'augmentation du malaise aux niveaux nationaux, l'effet de glissement des électeurs vers des politiciens dites "populistes", autoritaires ne pouvait ne pas attirer l'attention des sociologues, des psychologues et des ethnologues. (2)


VII.2. Vécus Sociaux

Nous pouvons également faire des parallélismes entre les approches managériales et celles de la vie politique. En dehors de tout comportement xénophobe, la gestion de l’immigration des populations issues des cultures difficilement compatibles avec des us et coutumes locaux devient un problème impossible à cacher.

Certains pays parquent ces populations dans des ghettos où les limites de superpositions des lois culturelles, confessionnelles avec des lois étatiques, sont de plus en plus disputées.(3) Avec l'élection des représentants communautaires et communautaristes, le poids des lois religieuses dans des Etats occidentaux devient un vrai sujet de questionnement démocratique.

Dans d'autre pays, les politiciens qui n'ont pas envie de créer des allocations lourdes pour des organismes d’intégration et de porter ainsi la "patate chaude" esquivent la question de compatibilité culturelle, en lançant des tirades de souhait de longue vie à des grands principes hypothétiques sur l'égalité de tout citoyens quelles que soient son origine, sa religion ou sa culture. Cela n'empêche ni le désintérêt total des communautaristes qui désirent vivre dans des mondes parallèles, vis-à-vis de ces discours vides, ni la colère des populations autochtones qui prennent la pression vis-à-vis de leurs us et coutumes établis comme une agression subie "chez-eux".
De plus en plus, les votes vers des mouvements populistes chimériques et hypocrites gagnent de l'espace. Les haines s'expriment ouvertement, comme une soupape contre la pression, sur des réseaux sociaux. Des populations ayant le sentiment d'être "non entendues", "non écoutées" utilisent allégrement ces médias comme vecteurs de décharges émotionnelles. Il n'y a pas que de l’appétit qui vient en mangeant mais, les haines librement, publiquement exprimées alimentent, enrichissent de plus en plus des sentiments de haine et de la violence. Une préférence élective, vers des figures politiques autoritaires, se présente au détriment de nos démocraties et les libertés garanties.

Le monde des affaires vit dans le même monde que nous partageons avec des réseaux sociaux. Quelle que soit l'approche, la littérature managériale sur le rôle de la culture dans les affaires est riche de conclusions contradictoires. Une dose excèssive d'envie pour une "vérité" à la place d'une autre pourrait également expliquer autant de contradictions.


VII.3. Rôle des Entreprises

Quels que soient les discours, il semble qu'il soit illusoire qu'une entreprise fournisse un environnement culturel dépassant les cultures ethniques, nationales ou confessionnelles, en dehors de "l’intention de l'être" de chaque individu. Le rôle d'une entreprise n'est pas de créer des oasis socio-culturelles. C'est bien aux états et aux politiques, reflets de chaque société, qui revient la tâche de gérer les problématiques liées à la culture. Selon beaucoup d'économistes dont l'analyse est partagée par les gestionnaires et les actionnaires, l’objectif de l’entreprise se limiterait essentiellement à la maximisation du profit. On rencontre, lors des enquêtes d'opinion, des "envies", comme l’entreprise devrait avoir pour objectif, de contribuer au bonheur de la société.

Comme souvent dit et répété dans le monde politique:

"les promesses n'engagent que ceux qui y croient".

Nous y trouvons par ailleurs, une des explications à la politique de certaines entreprises pratiquant les préférences tacites, par des politiques DRH "maison".


Tab1: D'après le modèle de "Sensibilité Culturelle" de Bennett adapté aux entreprises.(6)

Problématique Par rapport aux Individus Par rapport à un organisme
Déni La culture de l'individu est la seule qui soit. Les différences culturelles sont ignorées. La prise en compte d'autres cultures est inexistante. "Tout se vaut" du relativisme est omniprésent."
Défense La culture de l'individu est la seule qui soit légitime. Les différences culturelles sont minorées et la prise en compte d'autres cultures est biaisée Une entreprise de ce type se caractérisera par des attitudes négatives envers la différence qui constitue une menace pour l'organisation. Noyer le poisson autour des slogans comme "Tant que l'individu laisse sa culture à la porte de l'entreprise tout va bien" est omniprésent
Minimisation La culture de l'individu est universelle. La différence culturelle est niée, les autres cultures sont similaires à la culture de référence Une entreprise de ce type prétend être tolérante : cependant, c'est la culture d'organisation qui prévaut. On y rencontre des slogans comme "Notre entreprise défend des valeurs universelles"
Acceptation Les autres cultures sont perçues comme des approches différentes mais tout aussi complexes de la réalité Une entreprise de ce type fera des efforts de recrutement et de maintien d'un personnel divers. Elle encouragera les cadres à reconnaître la différence mais ne les y formera pour autant pas. On risque d'observer une ghettoïsation si on ne prend pas en compte le facteur "concentration".
Adaptation La capacité à changer de perspective culturelle à partir d'un autre système culturel est intégrée et facilitée par l'expérience de cette autre culture Une entreprise de ce type encourage ses cadres à acquérir les connaissances et compétences interculturelles
Intégration L'expérience permet à l'individu de naviguer à travers différents systèmes culturels Il s'agit d'une entreprise véritablement internationale et multiculturelle. Chaque politique, chaque problématique, chaque mesure est prise en compte au regard de ses incidences culturelles. Le dosage reste primordial, car les choses risquent de devenir compliquées quand il y a des oppositions culturelles

Ce tableau vous a-t-il fait penser à nos débats sur les antennes radio-TV ?



VII.4. Cas d'Ecole

Voici un résumé de plusieurs journaux économique sur la fusion ratée entre Volvo et Renault.
En 1993, le projet de fusion Volvo-Renault a capoté. Selon le côté suédois ou le côté français l'analyse de cet échec témoigne de la vision de la réalité sous des loupes déformantes liées aux différences culturelles. Ce qui nous intéresse ce n'est pas que l'échec même mais, les explications sur cet échec. Bien sûr que des craintes économiques ont pesé lourd mais la façon de s'adresser à l'autre sans prendre en compte l'interprétation qu'il fait de ce qu'on lui dit est une grave erreur. Les Français pensent souvent qu'ils pensent "universel". C'est l'héritage culturel des siècles de production intellectuelle ayant pesé sur la planète entière. Ils ont souvent une liberté d'expression sans soigner les contours. D'autre côté, chez les nordiques qui ont des grandes victoires militaires on vit naturellement le patriotisme. On y parle peu. On s'exprime avec pudeur et en faisant attention à ne pas froisser.

Voici une histoire nordique:
Deux pécheurs s'installent autour d'un trou sur la glace. L'un sort une bouteille de vodka et ils commencent à boire. Au bout d'une heure, l'un dit :

"Elle est bonne cette vodka !"
L'autre, au bout de quelques minutes, tourne vers lui d'un air agacé et répond :
"Tu es venu pour bavarder ou pécher ?"

A l'époque on a parlé de l'arrogance des négociateurs français. Le problème était peut-être dû à un sentiment répandu en Suède et au sein de Volvo, selon lequel l'un des joyaux industriels du pays était vendu à bas prix à un Etat étranger, la France, qui ne se soucieraient pas forcément des intérêts des travailleurs suédois et de l'économie suédoise. Volvo n'aurait détenu directement ou indirectement une participation de 35% dans les sociétés fusionnées, le reste était possédé initialement par le gouvernement français. Une vraie peur de destruction de Volvo par le gouvernement français a occupé des colonnes de la presse suédoise pendant longtemps. Du côté français, le silence des Suédois a été mal interprété. On a également entendu des explications hallucinantes. Par exemple, on a attribué le refus des Suédois à un sentiment "anti-français" émanant de l'appartenance de la dynastie suédoise actuelle à la France de l'époque napoléonienne etc.

Ce genre d'histoires sur des rapprochements ratés remplissent des bibliothèques. On peut suggérer leur lecture par ceux qui veulent négocier avec des interlocuteurs de cultures différentes.
Quoi qu'il en soit, la culture joue un important rôle lors des négociations, des contacts. Cependant, elle sert également de cache-misère quand on ne veut pas parler des problèmes plus essentiels. Voici le commentaire de M. Gyllenhammar, président démissionnaire de Volvo de l'époque:

"Les questions commerciales ont été mêlées aux questions politiques et sociales ce qui a compliqué la situation. Le débat massif et souvent agressif a créé une pression puissante sur le tissu social de Volvo".


Comme on dit, "celui qui veut noyer son chien dit qu'il a la rage"...




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1) Susan Cartwright et Richard Schoenberg, "Thirty Years of Mergers and Acquisitions Research: Recent Advances and Future Opportunities", British Journal of Management 17, no S1 (mars 2006): S1‑5, https://doi.org/10.1111/j.1467-8551.2006.00475.x.
2) Cartwright, S. and Cooper, C.L., "The role of cultural compatibility in successful organizational marriage", The Academy of Management Executive, 1993, sect. 7, 2.
3) Samia Bano, Muslim women and Shari’ah Councils: transcending the boundaries of community and law (Houndsmill, Basingstoke, Hampshire ; New York, NY: Palgrave Macmillan, 2012).
4) Arzu Aydinli et Michael Bender, "Cultural Priming as a Tool to Understand Multiculturalism and Culture", Online Readings in Psychology and Culture 2, no 1 (1 août 2015), https://doi.org/10.9707/2307-0919.1134.
5) Rikard Larsson et Sydney Finkelstein, "Integrating Strategic, Organizational, and Human Resource Perspectives on Mergers and Acquisitions: A Case Survey of Synergy Realization", Organization Science 10, no 1 (février 1999): 1‑26, https://doi.org/10.1287/orsc.10.1.1.
6) Milton J. Bennett, "Developmental Model of Intercultural Sensitivity", in The International Encyclopedia of Intercultural Communication, éd. par Young Y. Kim (Hoboken, NJ, USA: John Wiley & Sons, Inc., 2017), 1‑10, https://doi.org/10.1002/9781118783665.ieicc0182.




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